Expédition 51 : l’ultime grand dépaysement
Expédition 51. Juste le nom de ce roadtrip fait rêver aux grands espaces sauvages, n’est-ce pas? On revient de ce périple mythique de 1700 kilomètres qui débute à Baie-Comeau, qui passe par Fermont, qui traverse le Labrador d’ouest en est pour prendre fin à Blanc-Sablon, sur la Basse-Côte-Nord. On a adoré! C’est un peu le feeling de rouler dans des paysages nordiques du Yukon et de l’Alaska, mais à seulement quelques heures de chez nous.
Les mots nous manquent pour décrire cette aventure que l’on vient de faire en famille. On est encore sous le charme de l’accueil légendaire des petites communautés et des panoramas surréels.
Vous êtes tout comme nous des amoureux de grandes virées routières et vous avez envie d’entreprendre ce périple? Voici tous les détails sur l’itinéraire que nous avons emprunté!
Jour 1 : Baie-Comeau – Station Uapishka (336 km)
En route vers l’aventure! On quitte Baie-Comeau pour s’engouffrer vers le nord en empruntant la 389. Les premiers « ohhhh » du voyage se font entendre dans la voiture quelques minutes seulement après le départ lorsque la centrale Jean-Lesage (Manic-2) s’aperçoit au détour d’une courbe prononcée. En poursuivant notre chemin, on comprend vraiment le mot « démesure » dans le slogan de la région de la Côte-Nord en voyant pour la première fois le barrage Daniel-Johnson (Manic-5). Immense! On atteint le haut des installations après quelques abrupts virages en épingle. Puis, une centaine de kilomètres plus loin, on découvre avec excitation le réservoir Manicouagan, surnommé l’œil du Québec.
On se pose à la Station Uapishka, camp de base des célèbres monts Groulx. Côté rando, on trouve de tout pour tous les goûts. Si vous disposez de peu de temps, il est possible de simplement se dégourdir les jambes en se baladant près du réservoir. On peut aussi se rendre au début du sentier du mont Provencher où on peut observer des œuvres inusitées en plein air. Si vous avez une ou deux journées devant vous et que vous êtes un grimpeur aguerri, le secteur des monts Groulx est un territoire majestueux pour les expérimentés.
Bouffe et dodo : La Station Uapishka offre la pension complète. L’endroit est douillet sur toute la ligne : les repas sont réconfortants à souhait et le personnel sur place est hyper sympathique. On se sent comme à la maison! Le site est administré par le Conseil des Innus de Pessamit et différentes activités sont proposées pour en apprendre davantage sur la culture et la mission de recherche et de protection.
Jour 2 : Station Uapishka – Churchill Falls (492 km)
On s’éloigne davantage en reprenant la route vers le nord. Dans ce segment, les courbes prononcées demandent assurément plus d’attention. Quelques kilomètres avant d’arriver à Fermont, l’immensité des installations minières impressionne! Rendu « en ville », on en profite pour visiter le mythique « mur-écran » de 1,3 kilomètre qui abrite des résidences et des commerces. On en a tous entendu parler… mais le voir pour vrai, ça fascine!
Quelques kilomètres plus tard, on atteint la frontière avec Terre-Neuve-et-Labrador et on tombe sur la route 500, communément appelée la Translabradorienne. Cette route est asphaltée en entièreté et se roule vraiment très bien. On passe tout d’abord Labrador City, où on ne manque pas de faire un arrêt à la salle d’exposition Edmund Montague pour s’initier pour une première fois à la culture et l’histoire du Labrador. Puis, on conduit quelques heures dans un paysage aux allures nordiques pour se poser à Churchill Falls, une petite ville construite autour d’infrastructures hydroélectriques.
Bouffe et dodo : On mange et on dort au Heigh of Land Hotel, établi à même le bâtiment comprenant toutes les installations de la ville (épicerie, école, etc.). C’est comme un mini-mur écran de Fermont!
Jour 3 : Churchill Falls – Happy Valley-Goose Bay (288 km)
On poursuit notre traversée du Labrador en continuant vers l’est. Les paysages de forêt boréale et de taïga s’enchaînent et nous ensorcellent. On ne croise que quatre ou cinq véhicules lors de ce bout de route. Le grand dépaysement !
On atteint finalement Happy Valley-Goose Bay, une ville construite autour d’une grosse base militaire d’aviation. Il fait canicule quand on arrive, on en profite pour s’amuser dans les jeux d’eau du Kinsmen Park. On termine la journée en explorant le secteur de North West River et de la réserve de Sheshatshiu, à une vingtaine de minutes. Question d’en apprendre davantage sur le trappage, la culture innue et inuit, on visite le Heritage Society Museum ainsi que le Labrador Intepretation Centre.
Bouffe et dodo : On dort au Royal Inn & Suites. Les chambres sont immenses et très douillettes et une charmante cour extérieure avec BBQ est à notre disposition. Pour les restos, il y a des dizaines d’options dans la ville.
Jour 4 : Happy Valley-Goose Bay – Port Hope Simpson (405 km)
Après un copieux déjeuner, on se rend au Birch Island Boardwalk pour se dégourdir avant de reprendre l’itinéraire. Le sentier, qui est en fait une petite île au cœur d’Happy Valley-Goose Bay, se veut un lieu de conservation pour la faune et la flore. On déambule tout doucement sur la passerelle de bois tout en contemplant le fleuve Churchill juste à côté. Magnifique!
Puis, on attaque le plus long segment de route que l’on fera lors d’Expédition 51. On bifurque sur la 510, qui a été asphaltée dans son entièreté il y a quelques semaines seulement. Les paysages sont majestueux et on croise même nos premiers ours au passage. On sent que l’on se rapproche de l’Atlantique et les baies aperçues se font de plus en plus impressionnantes.
Bouffe et dodo : On dort au Alexis Hotel, l’une des rares options dans la ville. Un petit restaurant se trouve à même l’hôtel avec en prime la vue panoramique sur l’eau.
Jours 5-6 : Port Hope Simpson – Mary’s Harbour (51 km)
Battle Harbour
On reprend la route tout de suite en se levant. Ça vaut la peine de rouler un peu le ventre vide parce qu’à seulement une cinquantaine de kilomètres de notre hôtel se trouve le Great Caribou Studio, où on sert des pâtisseries à la chicoutai et surtout… du café espresso! Une denrée rare sur l’itinéraire! On jase avec Charlene, la proprio qui est aussi une artiste multidisciplinaire de la nation Inuit. Elle nous présente la boutique d’artisanat ainsi que la galerie d’art. Si vous avez envie de vous gâter des vêtements chauds traditionnels, c’est l’endroit où aller.
On se dirige au quai de Mary’s Harbour et on prend les bagages, puisque les deux prochaines nuits se passeront sur une petite île à l’est de la côte. On naviguera pendant 1h dans la mer du Labrador, une expérience absolument unique! Bien que l’on aurait aimé croiser des icebergs, on se plaît à observer les mammifères marins qui viennent nous saluer au passage. Puis, après avoir contourné une pointe rocheuse, on aperçoit au travers de la brume Battle Harbour, le minuscule village carte postale qui est beau comme dans un rêve. On accoste littéralement dans un autre monde, là où le temps semble s’être arrêté. Quel coup de cœur!
Battle Harbour est un ancien patelin de pêcheurs du XVIIIe siècle. Autrefois capitale de la morue salée, l’île a un côté sauvage. Pas de voiture, pas de route pavée, pas de lampadaires. Les guides, tous des locaux qui ont été élevés à Battle Harbour, nous expliquent le rude quotidien que vivaient les insulaires à l’époque où la pêche était une des activités économiques principales de la province.
Ici le climat change vite et la brume, souvent balayée par le vent, laisse rapidement place à un beau ciel ensoleillé. L’île ensorcelle, peu importe la météo. On a adoré explorer les petits sentiers et les différents vestiges (carcasse d’avion écrasé, cimetières, etc.). On a aimé prendre notre temps, vivre au rythme de la pluie, échanger avec les habitants et bien sûr apprendre à faire le pain traditionnel.
Bouffe et dodo : On séjourne sur l’île en pension complète. Les repas sont copieux et savoureux et les chambres hyper confortables. On rêve encore à la douillette couette faite à la main.
Jour 7 : Mary’s Harbour – West Saint Modeste (122 km)
Après 2 jours de ressourcement sur Battle Harbour, on revient sur la terre ferme pour reprendre la voiture et poursuivre l’exploration de la portion côtière d’Expédition 51. Après 1h de route, on arrive au Lieu historique national de Red Bay, un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le centre d’interprétation nous en apprend plus sur la chasse à la baleine basque qui se pratiquait au XVIe siècle.
Une traversée de quelques minutes nous amène par la suite à Saddle Island, où on peut aller observer l’épave du navire San Juan, qui a coulé en 1565. Une courte marche permet d’arpenter l’île en moins de 1h.
De retour sur la terre ferme, on se met en mode rando de l’autre côté de la baie. On a deux choix selon nos ambitions : le sentier Boney Shore si on se sent mollo, ou encore le Tracey Hill et ses 689 marches d’escalier si on a envie d’un défi un peu plus relevé. On a pris la seconde option et on ne l’a clairement pas regretté! La vue du sommet en vaut vraiment la peine.
On se dirige ensuite vers le quai pour une croisière avec Whaler’s Quest Ocean Adventures. Cette sympathique entreprise familiale offre des tours sur le détroit de Belle Isle, de jour ou de soir. Les proprios sont super passionnés par l’ornithologie et les mammifères marins. On a même eu droit à un banc de dauphins qui semblait vouloir guider le navire.
On reprend la route vers le sud et une vingtaine de kilomètres plus loin, on arrive au Site historique provincial du phare de Point Amour, le plus haut des maritimes avec ses 33 mètres. On en apprend plus sur les (nombreux!) naufrages qui ont eu lieu dans le détroit et le rôle clé qu’a joué le phare dans la navigation transatlantique. Les enfants peuvent même se confectionner des bracelets avec leurs noms écrits en code morse, on aime!
Bouffe et dodo : On a séjourné aux Big Land Cottage, une superbe maison directement sur le bord de l’eau dans le village de West Saint Modeste. L’endroit est entièrement équipé, on peut cuisiner sur place ou encore se rendre au restaurant du Florian Hotel de Forteau pour déguster un repas préparé avec soin par la chef Ange. On a déjeuné en admirant les baleines à quelques mètres au large.
Jour 8 : West Saint Modeste – Blanc-Sablon (43 km)
Déjà les derniers moments au Labrador! Notre arrêt final dans la province est L’Anse au Clair au Gateway to Labrador Visitor’s Centre. Dans cette ancienne petite chapelle, on peut visiter une exposition historique et culturelle qui permet de bien boucler la boucle de la portion Labrador du roadtrip! Si vous avez envie d’une rando, vous pouvez faire la Jersey Trail, ou encore sillonner une partie du Sentier des Pionniers du Labrador (Labrador Pioneer Foothpath), qui était jadis le seul moyen de passer d’un village à un autre.
Par la suite, la 510 devient la 138… signe que l’on est de retour au Québec! On oublie souvent ce tronçon de 150 kilomètres de la Route Panoramique de la Chicoutai, qui est pourtant le plus spectaculaire. Les habitués des paysages plutôt plats de la Côte-Nord seront surpris des pentes abruptes et du décor boréal. Magnifique! Et que dire des gens… l’accueil légendaire de la région se fait sentir jusque là-bas.
La Ferme de la baie du saumon (anciennement Aqua Labadie) est certainement un des arrêts à ne pas manquer lorsqu’on fait Expédition 51. La famille Buffit fait la culture de pétoncles sur des lignes et nous amène en ponton visiter leurs installations, tout en nous racontant leurs histoires d’enfance. De retour sur la terre ferme, on en apprend davantage sur les différentes variétés de mollusques, mais surtout… on les déguste, un verre de vin à la main! On vous le dit… vous n’aurez jamais mangé de pétoncles aussi frais.
Bouffe et dodo : On passe la nuit à l’Auberge Motel Quatre Saisons avec une vue sur l’eau. Pour un petit creux, les meilleurs cafés et viennoiseries se trouvent à La Perle Rare Café. Ne manquez pas de faire un arrêt au Korner Café, qui sert des déjeuners toute la journée et un combo soupe/grilled cheese absolument délicieux. Attention par contre… le propriétaire est tellement sympathique que vous risquez d’y rester des heures à jaser!
Jour 9-10-11 : Le Bella Desgagnés
Rendus au bout du Québec, l’option de choix pour revenir à notre point de départ est assurément d’embarquer sur le Bella Desgagnés, le navire de ravitaillement des villages côtiers de la Basse-Côte-Nord et de l’île d’Anticosti. Le bateau a la particularité d’être un cargo mixte, ce qui veut dire qu’il transporte des passagers autant que de la marchandise et de la nourriture entre les différents ports.
Notre voiture a été placée dans un conteneur, et a ensuite été amenée sur le navire avec une grue. Ça impressionne! Pour nous qui sommes moins adeptes de croisières, on a bien apprécié ce bateau à taille humaine de 63 cabines qui n’a pas comme unique mission de transporter des touristes. En plus de savoir que le Bella a une fonction utile et pas seulement de croisière, on aime que l’entreprise se soit dotée d’une politique écoresponsable afin de minimiser son empreinte écologique.
Pour la logistique de fin du périple, on peut choisir de reprendre notre voiture à Kegaska ou à Natashquan, ou encore rester à bord et débarquer à Havre-Saint-Pierre, Sept-Îles ou Rimouski.
On peut manger en cafétéria ou dans la salle panoramique. Et tout est bon, vraiment! On y sert une gastronomie bien apprêtée avec des poissons et fruits de mer (homard, crevettes, crabe) provenant des villages côtiers visités par le navire.
Le Bella Desgagnés s’arrête dans une dizaine de ports pour le transport des marchandises, permettant aux occupants de faire des escales de 1h à 2h dans des villages qui ne sont pas accessibles par une route comme Harrington Harbour, La Romaine/Unamen Shipu, La Tabatière et Tête-à-la-Baleine. On passe aussi par quelques lieux mythiques tels que Havre-Saint-Pierre et Port-Menier/Anticosti. Puisque le temps est limité à chacun des endroits, il peut être judicieux d’amener un vélo afin d’arpenter davantage de paysages.
La plupart des passagers étaient sur le Bella pour 7 jours, soit l’aller Rimouski/Blanc-Sablon et le retour Blanc-Sablon/Rimouski. Les escales faites de jour à l’aller sont habituellement faites de nuit au retour, et vice-versa. Pour notre part, nous avons dormi 3 nuits sur le navire et avons débarqué dans 6 villages lors de notre trajet :
Saint-Augustin/Pakua Shipi
Ce n’est pas tant le village en tant que tel qui impressionne, mais bien la navigation 1h avant d’arriver à quai. On se promène dans un labyrinthe de petits bras de mer bien protégés. On jurerait que le bateau n’a pas assez de place pour se frayer un chemin tellement c’est étroit. Sur la terre ferme, on peut marcher quelques minutes pour se rendre à un chapitoine et en apprendre davantage sur la culture innue de la communauté de Pakua Shipi.
Tête-à-la-Baleine
Le quai n’étant pas à même le village, on sort tout de même se balader jusqu’à la petite marina. On a souvent droit à des paysages brumeux qui donnent un spectacle mythique. On retrouve des bouts de la 138 et on peut cueillir du thé du Labrador et des fruits sauvages.
Harrington Harbour
Certainement l’un des villages les plus charmants du Québec! Il n’y a aucune voiture sur l’île… on parcoure les trottoirs de bois de l’endroit rendu célèbre grâce au film « La grande séduction ». C’est simplement magnifique! Pour ceux qui ont besoin de cardio, on peut gravir l’un des buttons autour du port en une trentaine de minutes aller-retour.
La Romaine/Unamen Shipu
Assurément l’une de nos escales préférées! Pendant que le Bella Desgagnés opérait le volet cargo, on a déniché un charmant petit sentier pédestre sur le chemin du Ruisseau. Le coucher de soleil y était simplement magnifique! Puis, on est allé se balader dans Unamen Shipu, la plus grande réserve innue de la Côte-Nord. On peut y visiter l’Église catholique romaine Marie Reine-des-Indiens et son autel inusité en peau de caribou.
Havre-Saint-Pierre
On aime d’amour cet endroit et l’accent acadien des locaux! On profite de l’escale pour faire une longue marche sur la plage, puis on fait le plein de souvenirs gourmands Chez Julie Boutique du terroir du mythique restaurant du même nom. On n’a bien sûr pas le temps de s’asseoir pour dévorer une assiette du chalutier ou une pizza aux fruits de mer, mais on peut quand même se procurer des poissons et mollusques saumurés et autres délices du coin.
Port-Menier/Anticosti
Qu’on avait hâte de mettre les pieds sur cette île mythique! Notre petit bonhomme (et nous aussi!) a été renversé par la proximité avec les cerfs de virginie qui peuplent l’endroit. On passe prendre un café à l’Auberge Port-Menier, un magnifique établissement géré par la Sépaq. C’est à cet endroit que l’on a aperçu le plus de bêtes. L’île est simplement majestueuse, on a qu’une envie… c’est d’y revenir!
Conseils sécurité
En terminant, on se permet quelques petits conseils de sécurité.
Qui dit grands espaces sauvages dit assurément absence de réseau cellulaire, tant au Québec qu’au Labrador. On peut emprunter gratuitement des téléphones satellites au Labrador en prenant l’appareil à un hôtel participant et en le laissant à un autre. Selon nous, c’est encore mieux d’en louer un pour l’entièreté du voyage! Ça ne vaut pas la peine de s’en passer à 150$ pour 2 semaines. On a fait affaire avec la compagnie Tel-Loc et on a trouvé ça assez simple comme processus. Si vous comptez faire de la rando dans les monts Groulx, il peut également être judicieux de vous procurer un abonnement à Airmedic.
Merci à Tourisme Côte-Nord et à Tourisme Terre-Neuve-et-Labrador pour l’accueil incroyable!